Jean-Pierre NICOLAS

Qui êtes-vous ? Quels sont votre parcours et votre métier ?

J’ai réalisé mon cursus universitaire en sciences économiques et sociales à l’Université Lumière Lyon 2. Ma volonté de mieux comprendre les modes de fonctionnement de notre société, m’a incité à m’orienter dans le domaine de la recherche. Je suis chercheur au Laboratoire Aménagement Économie Transports1 (LAET), laboratoire où j’ai effectué ma thèse. Mes questionnements, initialement portés par des problématiques économiques, en transport ont progressivement évolué vers l’aménagement et l’urbanisme et je travaille aujourd’hui sur les questions de mobilité quotidienne et leurs interactions avec la dynamique territoriale, ainsi que les impacts qu’elle peut avoir au niveau environnemental et social. En réinterrogeant les modèles de représentation scientifique existants pour expliquer les mobilités et leurs liens à l’espace, je cherche à proposer de nouveaux systèmes d’analyses mieux adaptés aux situations actuelles. Ainsi, j’espère que nous pourrons mieux prendre en compte les problématiques de chacun et les spécificités des territoires pour, à plus ou moins longs termes, accompagner les politiques publiques et mettre en œuvre des stratégies réfléchies et adaptées en termes de mobilité.

Quel est votre rôle dans ENA ? Qu’attendez-vous d’ENA ?

Dans le cadre du projet ENA, je suis principalement impliqué sur la méthodologie d’évaluation des expérimentations, et plus précisément sur l’interface entre évaluation socio-économique et environnementale de ce nouveau service de transport qu’est la navette autonome. Je travaille en étroite collaboration avec Michel Dauvergne, chercheur au Laboratoire Environnement Aménagement, Sécurité et Eco-conception (EASE) de l’Université Gustave Eiffel qui se consacre à l’analyse du cycle de vie2du véhicule autonome. Notre collaboration est primordiale, car elle permet une évaluation systémique de cette nouvelle technologie.

Avec mes collègues de mon laboratoire et de celui de l'Université Gustave Eiffel, nous travaillons pour définir un socle méthodologique commun, pour nous permettre de construire des scénarios qui seront déclinables sur l’ensemble des volets que nous traitons.

Quelle sera, pour vous, la mobilité de demain ?

Je ne connais pas l’avenir et il ne m’est pas possible de répondre directement à cette question. On peut par contre évoquer différents facteurs qui vont certainement jouer un rôle important dans les évolutions à venir.

Par exemple, le vieillissement de la population peut jouer sur les niveaux de mobilité, mais surtout sur les motifs, les rythmes quotidiens et l’empreinte territoriale des déplacements. On constate également depuis 10 ou 15 ans maintenant, à une appétence moindre pour la voiture individuelle, bien visible dans les centres-villes, mais qui se retrouve aussi dans une moindre mesure dans les territoires plus diffus. Quelles alternatives proposons-nous ? On a pu constater l’explosion de "nouveaux" modes de transport, ou en tout cas de nouvelles pratiques dans les espaces denses, et des solutions sont en cours d’invention dans les espaces ruraux et périurbains.

La progression du numérique joue sur le rapport à l’espace (avec le télétravail par exemple), mais aussi sur le développement de nouveaux services à la mobilité et de nouvelles offres de transport qui affectent déjà et affecteront nos mobilités, avec certainement d’autres effets en retour sur l’évolution du système de transport. Notre accès aux biens et services s’en trouve bien sûr modifié, et certainement amélioré pour beaucoup d’entre nous, mais la question de l’inclusion de certaines personnes dans le système émergeant sur cette base se trouve aussi posée, que ce soit pour des raisons économiques, sociales, culturelles ou cognitives notamment.  

Et le véhicule autonome dans tout ça ? Plusieurs modes de développement restent encore ouverts et peuvent se combiner. Allons-nous transposer nos habitudes d’usagers de la voiture individuelle au véhicule autonome ? Sera-t-elle une technologie rapide et efficace pour les usagers, plus souple et économique pour la collectivité, qui permettra de renforcer l’usage des transports en commun ? Allons-nous abandonner la voiture individuelle pour privilégier l’utilisation de plateformes à la demande et développer des modèles plus tournés vers le partage de l’automobile ?

Il est encore difficile, à l’heure actuelle, de répondre précisément à toutes ces questions. Nous devons, d’autant plus en tant que chercheurs, réfléchir à proposer des grilles de lecture permettant de mieux comprendre et appréhender l’évolution des territoires et des habitudes des usagers et futurs usagers.

      


1 Laboratoire sous tutelles CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), École Nationale des Travaux Publics de l’État et Université Lumière Lyon 2

2Composé de différentes phases : conception, construction, entretien et usage